MOIRÉS, SATURATIONS, GLITCHES ET AUTRES ERREURS D’IMPRESSIONS LA GRILLE À L’ÉPREUVE DU NUMÉRIQUE

Audrey Illouz, Ruven, January 1, 2017
Dans le catalogue de l’exposition On Line: Drawing through the Twentieth Century (2010-2011), Catherine de Zegher consacre à la grille un chapitre intitulé Lines over Lines: from Grids toward Web. Comme elle le rappelle : « Au début du siècle, tandis que quelques artistes, à travers la ligne, cherchaient l’espace réel au-delà du plan illusoire de la page ou de la toile, Malevitch et Mondrian utilisèrent le carré et la grille pour cartographier cet espace comme la surface physique du dessin ou de la peinture dans toute sa matérialité – une sorte de réel ultime, à la fois empirique et transcendantal. Utilisant la grille pour défaire les oppositions traditionnelles entre figure et fond, motif et cadre, ils explorèrent les relations entre horizontale et verticale, ligne et couleur à l’intérieur de la structure. Tout au long du xxe siècle, la grille, tout comme le monochrome, devint un para-digme de l’abstraction1. »
Si la grille connaît une fortune sans précédent au cours du xxe siècle (de Piet Mondrian à Kasimir Malevitch, d’Agnès Martin à Sol LeWitt), une résurgence de cette structure est aujourd’hui caractéristique de pratiques artistiques ancrées dans l’ère numérique où l’écran d’ordinateur sert d’étalon, de matrice, d’interface et où les différents paramètres de la machine (affi-chage, programmation, impression) sont soumis à investigation. Le point, la ligne ou la grille sont admis comme étant les outils du dessin. S’ils sont bien constitutifs des œuvres de Liz Deschenes, Matan Mittwoch ou Wade Guyton analysées ici, leur appari-tion résulte d’un processus purement mécanique dans lequel la main n’interfère plus directement avec le support (la feuille). Les œuvres mentionnées se situent d’ailleurs à la croisée de la photographie, du dessin ou de la peinture. Elles réélaborent néanmoins les outils du dessin désormais hybridés à la machine dont le moiré, le glitch et autres erreurs d’impression sont les accidents aléatoires de ces abstractions renouvelées et entre-tiennent une relation étroite avec les outils de circulation et de reproduction de l’image.
 
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